Réinventer l’éducation à la gestion : un apprentissage écocentré pour un avenir positif pour la nature

Réinventer l’éducation à la gestion : un apprentissage écocentré pour un avenir positif pour la nature

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Par Helen Kopnina, Professeure à l’Université de Northumbrie,  membre de la Commission de l'éducation et de la communication (CEC) de l'UICN. 

Et si la prochaine grande percée en matière de conservation ne commençait pas dans un laboratoire ou une salle de réunion, mais dans une salle de classe ? Dans ce blog opportun, Helen Kopnina, Professeure à l’Université de Northumbria et membre de la CEC-UICN, remet en question les fondements de l’enseignement conventionnel de la gestion et appelle à un changement radical vers un apprentissage écocentré. Ce blog explore comment l’écopédagogie basée sur les arts peut former de futurs dirigeants d’entreprise accordant une priorité à l’intégrité écologique et à la pensée régénérative. 

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À mesure que la crise écologique mondiale s’aggrave, marquée par l’accélération de la perte de biodiversité, les changements climatiques et l’effondrement des écosystèmes, il devient de plus en plus évident que l’éducation à la gestion conventionnelle est non seulement dépassée, mais également insuffisante. Enracinés dans des valeurs anthropocentriques et dans la logique d’une croissance industrielle illimitée, les programmes d’études traditionnels traitent souvent la nature comme une ressource plutôt que comme un partenaire à part entière pour la prospérité. En réponse, nous plaidons pour un changement de paradigme : l’intégration d’un apprentissage écocentré de la gestion par le biais d’une écopédagogie basée sur les arts, en tant que réponse radicale et transformatrice aux défis actuels de la conservation. Il ne s’agit pas simplement d’une révision des programmes d’études, mais d’une redéfinition de ce que signifie éduquer de manière responsable à l’ère de l’Anthropocène. Cette approche fait écho à l’esprit de l’Objectif de développement durable 4, qui appelle à des systèmes éducatifs permettant aux apprenants de s’engager dans la durabilité non seulement intellectuellement, mais aussi de manière holistique.

Notre travail à l’École de commerce de Newcastle de l’Université de Northumbria remet en question les modèles néolibéraux dominants qui sous-tendent la plupart des cadres d’éducation à la gestion, y compris ceux alignés sur les Objectifs de développement durable (ODD) des Nations Unies. Bien que ces cadres s’efforcent de promouvoir une responsabilité environnementale, ils le font souvent dans une logique du maintien du statu quo et ne parviennent pas à faire pleinement face aux limites écologiques des systèmes économiques. Il en résulte des récits de durabilité superficiels qui ne modifient ni la conscience ni les pratiques. Nous devons aller au-delà des questions de durabilité performative et cultiver des environnements d'apprentissage qui favorisent la penséecritique, l'empathie et la prise de conscience systémique.

Pour cela, nous proposons une approche éco-alphabétisée et éclairée par les arts, qui place l’écologie, et non l’économie, au centre de l’apprentissage en gestion. En initiant les élèves à la biodiversité par la poésie, la narration, l’expression créative et la pensée systémique, nous les aidons à développer non seulement une compréhension cognitive, mais aussi un lien émotionnel avec le monde naturel. Ce changement est essentiel pour inculquer les valeurs et les mentalités nécessaires pour que les futurs dirigeants d’entreprise agissent en conformité avec la résilience écologique.

Cette approche s’aligne pleinement avec le thème du Congrès « Transition vers des économies et des sociétés positives pour la nature ». Plutôt que de simplement ajuster à la marge les systèmes économiques existants, notre modèle pédagogique les réinvente, ancrant la pratique de la gestion dans les limites planétaires et l’éthique écologique. Il répond également à la nécessité d’une innovation disruptive en matière de conservation, reconnaissant que les outils éducatifs traditionnels ne sont plus suffisants face à l’effondrement systémique. L’écopédagogie ouvre la voie à la créativité, à l’empathie et à l’apprentissage relationnel, des ingrédients clés pour un avenir plus régénérateur.

Nous abordons également l’équité, car l’éco-alphabétisation nécessite des perspectives inclusives et pluralistes qui respectent les systèmes de connaissances autochtones, les organisations non humaines et la justice intergénérationnelle. L'éducation de qualité, telle qu'envisagée dans l'ODD 4, doit donc être ancrée dans l'humilité culturelle, l'intégrité écologique et la capacité d'imaginer des alternatives au statu quo. Par ailleurs, nous devrions continuer à remettre en question l'idée même de développement durable, surtout lorsqu’elle revient àmaintenir l'insoutenable – la croissance économique et le développement industriel). 

Education for the future? Critical evaluation of education for sustainable development goals: The Journal of Environmental Education: Vol 51 , No 4 - Get Access  

Grâce à des études de cas et des travaux pratiques, nous commençons à construire un nouveau type de programme en gestion qui permet aux étudiants de devenir des alliés de la conservation, des décideurs éthiques et des citoyens écologiques. Ces futurs dirigeants géreront non seulement des entreprises, mais cocréeront des écosystèmes responsables, dans lesquels les entreprises deviendront une force pour la vie, et non un moteur de destruction.

Alors que le Congrès mondial de la nature de l’UICN 2025 réunit des visionnaires et des acteurs du changement du monde entier, nous invitons nos collègues éducateurs, conservationnistes et dirigeants politiques à réfléchir : et si la prochaine grande percée en matière de conservation ne sortait pas d’un laboratoire ou d’une salle de réunion, mais bien d’une salle de classe où écologie et imagination auraient la même valeur? 

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