L’intégrité des écosystèmes : un impératif de conservation

L’intégrité des écosystèmes : un impératif de conservation

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Par Cyril Kormos, Directeur exécutif, Wild Heritage, Prof. Brendan Mackey, Directeur Climate Action Beacon, Université Griffith, Australie, et Virginia Young, Directrice des politiques, Australian Rainforest Conservation Society.

Alors que le monde s’efforce d’atteindre les objectifs du Cadre mondial de Kunming-Montréal pour la biodiversité, un message important devient évident : la biodiversité seule ne suffit pas. Dans cet article, l’intégrité des écosystèmes est explorée comme un élément essentiel au maintien de la vie sur Terre. Alors que les forêts primaires seront au centre des discussions lors du Congrès mondial de la nature de l’UICN 2025, cet article plaide en faveur d’un recentrage des politiques mondiales autour des écosystèmes primaires. 

Frédéric Demeuse Photographie - Forêt pluviale tempérée Hoh Péninsule Rainforest Olympic

La biodiversité ne suffit pas

Au cours des dernières décennies, la communauté de la conservation a souligné à juste titre l’importance de protéger la biodiversité, à la fois pour sa valeur intrinsèque et pour son rôle clé dans le maintien des services écosystémiques. Cependant, cette histoire nécessite un ajout important : plus un écosystème est proche de son état naturel (c’est-à-dire plus son intégrité est élevée), plus il offre d’avantages. En termes plus techniques, les écosystèmes conservant la totalité ou quasi-totalité de leur biodiversité, y compris leur composition en espèces et structure de végétation naturelles, maximisent de nombreux services écosystémiques tout en minimisant le risque de perte.

 

Pourquoi l’intégrité des écosystèmes est importante

Les forêts primaires, par exemple, présentent un degré élevé d’intégrité écosystémique et, par conséquent, protègent plus de biodiversité et stockent plus de carbone que les forêts et plantations dégradées. Les forêts primaires sont également plus résistantes aux impacts climatiques tels que les sécheresses, les vagues de chaleur et les incendies de forêt. Leurs stocks de carbone écosystémiques sont également plus stables et moins susceptibles d’émettre du CO2 dans l’atmosphère que dans le cas d’une forêt dégradée. En outre, plus un écosystème est proche de son état naturel, plus il sera susceptible de s’adapter à des conditions climatiques changeantes.

 

Le pouvoir unique des forêts primaires

L’intégrité écologique des forêts primaires, par exemple, est façonnée par le réseau complexe de la vie qu’elles soutiennent. La protection de toutes les composantes de cette biodiversité, y compris les espèces rares et menacées et les assemblages uniques d’espèces, est essentielle au maintien des services écosystémiques. Les forêts primaires abritent d’énormes vieux arbres qui créent un microclimat intérieur optimal, avec des températures plus fraîches et une humidité plus élevée pour les plantes et les animaux tributaires de la forêt. Ces forêts séquestrent et stockent de grandes quantités de carbone et contiennent des informations génétiques précieuses qui aident à résister aux facteurs de stress environnementaux. Elles développent également une épaisse couche de litière de feuilles et de bois mort, qui aide les bactéries et les champignons à recycler les nutriments, protège les sols de l’érosion et contribue au stockage du carbone.

Ainsi, la biodiversité et la structure écosystémique caractéristiques d’une forêt primaire, assemblées progressivement au fil des âges, sous-tendent fondamentalement la capacité des écosystèmes primaires à fournir des services écosystémiques supérieurs. Mais les forêts primaires sont très rapidement perdues à cause de perturbations industrielles et ne se rétablissent que lentement, si une récupération est possible. Leur biodiversité et leur structure écosystémique uniques sont ce qui les rend irremplaçables, et leur confère une priorité importante en matière de protection.

Ces caractéristiques uniques sont la raison pour laquelle nous et un certain nombre de collègues avons rédigé la Motion 015, qui sera discutée lors du Congrès mondial de la nature de l’UICN 2025. Cette motion exhorte l’UICN à accorder une plus grande priorité à l’intégrité des écosystèmes dans les programmes mondiaux de conservation et de lutte contre les changements climatiques, et à reconnaître le rôle essentiel que jouent les forêts primaires dans la sauvegarde de la biodiversité, la stabilisation du climat et la défense des droits des peuples autochtones.

 

Progrès sur la scène mondiale

Des progrès significatifs ont été réalisés à Montréal, et plus tard à Cali, pour affirmer l’importance de conserver et restaurer l’intégrité des écosystèmes dans le Cadre mondial de Kunming-Montréal pour la biodiversité (CMB). En particulier, l’intégrité des écosystèmes et la nécessité de maximiser l’action synergique ont été fortement soulignées dans la décision de Cali sur le climat et la biodiversité. Il s’agit là d’une grande avancée, qui soutient également l’objectif des Nations Unies de mettre fin à la déforestation et à la dégradation des forêts, comme indiqué dans le Plan stratégique des Nations Unies pour les forêts 2017-2030, et repris dans la Déclaration de Glasgow sur les forêts et l’utilisation des terres en 2021. Cependant, il reste encore beaucoup à faire dans le cadre de la CCNUCC pour reconnaître les avantages liés à la protection des écosystèmes à forte densité de carbone, comme les forêts primaires, en matière d’atténuation des changements climatiques et d’adaptation à ceux-ci. Une collaboration étroite entre la CDB et la CCNUCC est essentielle pour s’assurer que les progrès ne soient pas entravés par des approches cloisonnées.