Reconnaître l’écocide comme un crime : une étape vitale pour la nature, la justice et l’UICN

Reconnaître l’écocide comme un crime : une étape vitale pour la nature, la justice et l’UICN

Blog

Par Craig Bennett, Directeur exécutif, The Wildlife Trusts (Organisation membre de l'UICN)

Dans un vibrant appel à l’action avant le Congrès mondial de la nature de l’UICN, Craig Bennett, Directeur exécutif de The Wildlife Trusts, exhorte les Membres de l’UICN à soutenir la Motion 061 « Reconnaître le crime d’écocide pour protéger la nature ». Malgré des décennies de progrès, la destruction de l’environnement reste endémique et largement incontrôlée. Craig Bennett soutient que les lois existantes sont insuffisantes et d’ériger l’écocide en crime est essentiel pour protéger la nature et faire respecter la justice. Grâce à un élan croissant dans le monde entier, cette motion pourrait aider à façonner une nouvelle frontière juridique pour la conservation. 
 

Pexels, Ekaterina Bolovstova

Le monde naturel demeure assiégé, une réalité profondément familière à ce public. Grâce à des décennies de contribution dans les domaines de la science, des politiques, du droit et du plaidoyer, les Membres de l’UICN ont contribué à façonner la réponse mondiale face à la dégradation écologique, la perte de biodiversité, la crise climatique et l’injustice environnementale. Des accords internationaux aux initiatives communautaires, vos efforts collectifs ont jeté les bases du progrès. Pourtant, les forêts anciennes continuent de tomber, les océans sont vidés, les sols dégradés et l’environnement au sens large devient de plus en plus toxique, tandis que les responsables ne sont soumis à aucune véritable obligation de rendre des comptes. Le changement systémique n’est plus facultatif, il est indispensable.

Dans ce contexte, la Motion 061 « Reconnaître le crime d’écocide pour protéger la nature », sera soumise à l’Assemblée des Membres et mérite toute l’attention de l’ensemble des Membres de l’UICN.

La motion invite l’UICN à soutenir la reconnaissance de l’écocide en tant que crime international devant la Cour pénale internationale. Elle est proposée par Stop Ecocide International et coparrainée par une douzaine d’organisations, dont le ministère du Changement climatique du Vanuatu, la Fondation Gallifrey, le Earth Law Centre, la Bangladesh Environmental Lawyers association et ma propre organisation, The Wildlife Trusts, l’un des membres fondateurs de l’UICN.

Cette motion n’est pas symbolique. C’est une étape nécessaire vers l’établissement d’une frontière juridique, une ligne claire qu’aucun acteur ne pourra franchir pour causer des dommages graves à la nature, de manière généralisée ou à long terme, sans subir de conséquences pénales.

Les lois environnementales existantes sont fragmentées, lacunaires ou peu appliquées. Pire encore, non seulement de nombreuses pratiques destructrices se poursuivent sans contrôle, mais elles sont activement subventionnées, avec au moins 2600 milliards de dollars par an de soutien mondial à des activités nuisibles à l’environnement. Les outils juridiques à notre disposition ne reflètent pas l’ampleur ni l’urgence de la crise à laquelle nous sommes confrontés. Reconnaître l’écocide comme un crime, défini comme « des actes illicites ou arbitraires commis en connaissance de la réelle probabilité que ces actes causent à l’environnement des dommages graves qui soient étendus ou durables », comblerait cette lacune en matière de responsabilité.

En soutenant cette motion, les Membres de l’UICN peuvent aider à mettre en place un moyen de dissuasion contre les dommages environnementaux à grande échelle et fournir un cadre pour la justice et la restauration. Ce faisant, ils feront progresser la mission de l’UICN : conserver l’intégrité et la diversité de la nature et à s’assurer que toute utilisation des ressources naturelles soit équitable et écologiquement durable.

Il est important de noter qu’il ne s’agit pas d’incriminer les personnes ordinaires ou d’arrêter le développement. Il s’agit de tenir responsables ceux dont les décisions causent des dévastations à grande échelle, à savoir les dirigeants d’entreprises et les décideurs. Cette approche uniformise les règles du jeu pour les entreprises durables, prévenant des dommages plus graves et garantissant des voies de recours.

Cette idée commence à gagner du terrain. Certains pays, dont la Belgique et la France, ont déjà adopté le concept d’écocide dans leur droit interne, tandis que l’Ukraine a réactivé une disposition juridique dormante et poursuit activement plusieurs cas. De nombreux autres pays font actuellement progresser leur législation, notamment les Pays-Bas, le Pérou, l’Argentine, l’Italie et l’Écosse, où le projet de loi sur l’Écocide (Écosse) a été officiellement déposé au Parlement la semaine dernière. L’Union européenne a adopté une Directive sur la criminalité environnementale révisée, qui criminalise les comportements comparables à l’écocide. En mai 2025, le Conseil de l’Europe a marqué un tournant historique en adoptant une Convention sur la protection de l’environnement par le droit pénal, habilitant les États à poursuivre les actes « équivalant à un écocide ». Ce traité est maintenant ouvert à la signature. À l’échelle internationale, une proposition formelle de modification du Statut de Rome a été soumise par une coalition d’États insulaires du Pacifique et la République démocratique du Congo (RDC). Une norme mondiale est en train de prendre forme.

Soutenir cette motion placerait l’UICN au cœur d’une transformation juridique de plus en plus répandue dans les tribunaux, les parlements et les communautés du monde entier. L’enquête Global Commons 2024 a révélé que 72 % des personnes dans les pays du G20 soutenaient la criminalisation des dommages environnementaux graves. 

Photo of Craig Bennet - Trai Anfield
Craig Bennett, Photo credit Trai Anfield

Je travaille dans le secteur de la conservation internationale depuis trois décennies. Aujourd’hui à la tête de The Wildlife Trusts, et précédemment chez les Amis de la Terre et l’Environmental Investigation Agency, j’ai vu, à la fois dans le Nord et le Sud, à quel point les réglementations existantes sont insuffisantes. Comme beaucoup d’entre vous, j’ai été témoin du fait que même le travail le plus essentiel est trop souvent compromis par des décisions prises par les plus puissants de la société, des décisions que la loi sur l’écocide contribuerait à dissuader. Cette loi n’est pas seulement un garde-fou, mais aussi un catalyseur de changement systémique. Elle soutiendrait les objectifs fondamentaux de l’UICN et renforcerait les cadres mondiaux tels que le Cadre mondial pour la biodiversité de Kunming-Montréal et les Objectifs de développement durable (ODD). 

Il existe depuis trop longtemps une lacune dans le droit pénal international en matière de protection de la nature. J’exhorte tous les Membres de l’UICN à voter en faveur de la Motion 061 pour prendre position en faveur de la nature, la justice et l’avenir de la vie sur Terre en demandant que l’écocide soit reconnu comme un crime international. 

 

infographie du webinaire

Pour soutenir une discussion éclairée sur cette question vitale, les Membres de l’UICN sont chaleureusement invités à un webinaire sur la Motion 061 « Reconnaître le crime d’écocide pour protéger la nature », qui aura lieu le 17 juin à 15h00 Londres / 11h00 Brasilia / 20h00 Dhaka. Présidée par la professeure Christina Voigt, cette session accueillera d’éminents conférenciers, notamment : 

  • Antonio Herman Benjamin (Juge de la Haute Cour du Brésil)
  • Ian Redmond OBE (biologiste tropical et conservationniste, Royaume-Uni)
  • Syeda Rizwana Hasan (Conseillère, gouvernement intérimaire du Bangladesh)
  • Gustavo Alanís-Ortega (Président, CEMDA, Mexique)
  • Nnimo Bassey (Défenseur de l’environnement, architecte et écrivain)
  • Professeur Nicholas A. Robinson (Professeur de droit de l’environnement, Université Pace)
  • Jojo Mehta (PDG, Stop Ecocide International) 

Une interprétation simultanée sera disponible en français et en espagnol. 

Vous pouvez vous inscrire au webinaire ici. https://bit.ly/4l04WSy