Des acacias aux léopards d’Arabie : réensauvager AlUla

Des acacias aux léopards d’Arabie : réensauvager AlUla

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Dr Benjamin Lee, Directeur de la recherche et des services consultatifs sur la faune et le patrimoine naturel à la Commission royale pour AlUla (Organisation membre de l'UICN)

Dans la région d’AlUla en Arabie saoudite, un effort ambitieux de réensauvagement est en cours : restaurer des paysages désertiques dégradés, réintroduire des espèces perdues et, en fin de compte, préparer le retour du léopard d’Arabie, une espèce « En danger critique ». Le Dr Benjamin Lee, de la Commission royale pour AlUla, explique comment ce travail, couvrant la restauration des plantes autochtones, la réintroduction d’ongulés et la gestion d’aires protégées, incarne l’esprit d’intensification des actions de conservation et de transition vers des économies positives pour la nature, des thèmes clés du Congrès mondial de la nature de l’UICN 2025. 
 

la Commission royale pour AlUla

Dans le nord-ouest de l’Arabie saoudite, la Commission royale pour AlUla (RCU, en anglais) mène un vaste projet de réensauvagement pour restaurer un système désertique dégradé à partir de zéro, dans le but ultime de réintroduire le léopard d’Arabie.

Des chaînes de grès et des dunes arides aux oasis vertes et aux oueds préservés, AlUla abrite une étonnante variété de paysages et d’habitats. Cependant, des décennies de surpâturage, de chasse et de manque de protection ont entraîné une perte de biodiversité et le déclin voire la disparition de nombreuses espèces de la région.

Nous œuvrons pour restaurer l’équilibre de la nature en rétablissant la pyramide écologique et les connexions du réseau alimentaire entre ses différents niveaux. Cela a commencé par la création du réseau d’aires protégées d’AlUla, six réserves déclarées en 2019 et couvrant 12 160 km2, chacune soutenue par un plan de gestion complet. Depuis 2024, le parc national de Sharaan, d’une superficie de 1543 km2, figure sur la Liste verte de l’UICN, se plaçant ainsi parmi les 90 premières aires protégées au monde à atteindre le niveau de référence pour une gouvernance efficace et équitable.

À la base de la pyramide se trouvent les producteurs primaires : les plantes. En partenariat avec l’UICN-ROWA, nous avons élaboré une stratégie et un plan d’exécution pour la restauration des écosystèmes, fondé une banque de semences et une pépinière pour recueillir et cultiver les semences d’environ 200 espèces autochtones, et lancé un site pilote sur 100 hectares pour tester et améliorer les pratiques de plantation. À ce jour, nous avons planté plus d’un demi-million de plantules sur un site de restauration actif dans le parc national de Sharaan, y compris des espèces clés comme les acacias, qui soutiennent la faune et aident à lutter contre la désertification. L’élimination de la pression de pâturage a entraîné une nette récupération passive de la végétation des prairies.

Viennent ensuite les principaux consommateurs, des invertébrés aux ongulés. Les espèces plus petites peuvent maintenant s’épanouir, et nous avons réintroduit quatre espèces menacées clés qui n’auraient peut-être pas repeuplé AlUla par elles-mêmes sans intervention ou ne seraient restées que dans des populations fragmentées : l’oryx d’Arabie, la gazelle d’Arabie, la gazelle des sables et le bouquetin de Nubie. Près de 1500 individus ont été relâchés jusqu’à présent, avec des reproductions réussies enregistrées au cours des derniers mois. 

 

Arabian Oryx
la Commission royale pour AlUla

 

L’abondance croissante des herbivores a favorisé le maintien de prédateurs tels que le loup d’Arabie, les espèces de reptiles et les oiseaux de proie. Une population de faucons concolores découverte récemment indique que le Parc national de Sharaan accueille maintenant environ 5 % des couples reproducteurs de cet oiseau de proie vulnérable pendant leur saison de nidification.

Notre prochaine étape est le retour du plus emblématique prédateur de la péninsule arabique : le léopard d’Arabie, une espèce classée « En danger critique », avec environ 120 individus restant à l’état sauvage. En 2019, la RCU a pris en charge le projet national d’élevage de cette espèce dans le but ambitieux d’augmenter sa population et de préparer les générations futures à sa réintroduction, et ainsi permettre au léopard d’Arabie d’occuper à nouveau le sommet de la pyramide écologique entièrement restaurée d’AlUla.

Les succès remportés jusqu’à présent comprennent le doublement du nombre d’individus du Centre d’élevage pour la conservation du léopard d’Arabie ainsi que le fait de devenir le premier membre saoudien de l’Association européenne des zoos et aquariums (EAZA). Un établissement ultramoderne dédié à la préparation des léopards à la réhabilitation devrait être construit cette année. Pendant ce temps, la prise de conscience mondiale augmente. En 2024, les Nations Unies ont déclaré le 10 février Journée internationale du léopard d’Arabie. 

Il est vraiment encourageant de voir l’alignement entre nos efforts ici, à AlUla, et les thèmes du Congrès mondial de la nature de l’UICN 2025, en particulier dans l’intensification des actions de conservation et la transition vers des économies positives pour la nature. Parmi les nombreuses motions acceptées, nous tenons à soutenir et à partager notre expérience dans celles relatives à la Liste verte de l’UICN (Motion 012) et à la conservation des espèces menacées dans la péninsule arabique et les régions sahélo-sahariennes (Motion 110). Nous sommes également impatients de discuter avec d’autres leaders d’opinion des motions portant sur l’amélioration des pratiques de plantation d’arbres (Motion 001), la gestion durable des pâturages et du pastoralisme (Motion 008) et le rôle des animaux sauvages dans les écosystèmes en tant que solution climatique (Motion 039), tant au niveau régional que mondial. 

 

Biographie de l’auteur :

Le Dr Benjamin Lee est Directeur de la recherche et des services consultatifs de la Division de la faune et du patrimoine naturel de la Commission royale pour AlUla. Zoologiste de formation, avec plus de deux décennies d’ascension dans les rangs du Conseil des parcs nationaux de Singapour, il est animé d’une profonde curiosité pour le monde naturel. Il dirige une équipe dédiée à la recherche sur la biodiversité du désert, la gestion de la faune et la géologie. 

Dr. Benjamin Lee
Dr. Benjamin Lee, la Commission royale pour AlUla