Faisant suite à l’article de 2020 de Carlson et al. qui présentait un plan mondial un plan mondial pour promouvoir et développer la conservation des parasites, le groupe de spécialistes des parasites de la CSE-UICN a été créé en 2023 afin de favoriser le leadership innovant et disruptif nécessaire pour susciter l’intérêt et inspirer l’action en matière de conservation des parasites. Depuis sa création, le Groupe de spécialistes des parasites a cherché à montrer la voie dans ce nouveau domaine de la conservation en établissant les premiers programmes de conservation des parasites au monde, conformément à l’objectif du Congrès mondial de la nature de l’UICN 2025 de promouvoir des solutions scientifiques pour la conservation.
Élevage en captivité de la tique du lapin des Ryukyu
Gauche : la tique du lapin des Ryukyu (Haemaphysalis pentalagi) ; Droite : le lapin d’Amami (Pentalagus furnessi) ; Au milieu : un terrier de lapin partagé par les deux espèces sur l’île d’Amami
Une espèce unique de lapin sauvage, le lapin d’Amami (Pentalagus furnessi), est endémique des forêts d’une seule île du Japon. Vivant à ses côtés existe un parasite tout aussi unique : la tique du lapin des Ryukyu (Haemaphysalis pentalagi). Bien qu’ils coexistent actuellement sur l’île d’Amami, dans l’archipel des Ryukyu, au sud du Japon, la destruction de leur habitat ainsi que la présence de prédateurs envahissants menacent la survie à la fois du lapin endémique et de la tique qui en dépend pour sa survie. Pour les biologistes de l’Université d’Hokkaido, il est apparu évident que pour conserver la résilience de l’écosystème face à ces dangers, ils devaient trouver une solution qui préserverait les deux espèces.
Afin d’éviter que la tique ne soit négligée dans les efforts de conservation de son hôte, une équipe comprenant Mackenzie L. Kwak, du Groupe de spécialistes, a conçu et mis en œuvre un plan visant à établir une population reproductrice en captivité pour la tique du lapin des Ryukyu. Ce programme, le premier en son genre, a connu un succès remarquable : à partir de janvier 2025, trois générations de tiques sont nées et ont grandi en captivité. Le succès de ce programme a fait de la tique du lapin des Ryukyu une espèce phare pour le Groupe et pour le domaine de la conservation des parasites.
Plan de conservation de la puce du puffin des Anglais
Gauche : la puce du puffin des Anglais (Ceratophyllus fionnus) ; Droite : un puffin des Anglais (Puffinus puffinus)
Dans l’agitation de milliers d’oiseaux marins nicheurs, un insecte silencieux saute parmi les nids : la puce du puffin des Anglais (Ceratophyllus fionnus). Présente exclusivement sur la minuscule île de Rùm, au large des côtes écossaises, cette puce porte le nom du puffin des Anglais (Puffinus puffinus), car elle dépend entièrement de l’immense colonie de reproduction de cet oiseau sur l’île. Cette aire de répartition extrêmement limitée signifie que la puce pourrait facilement être anéantie par tout événement ayant un impact sur la colonie de reproduction ou sur l’îlot de Rùm dans son ensemble.
Afin d’éviter l’extinction de cette puce rare, une petite équipe de parasitologues a présenté un plan de conservation comprenant la protection de son hôte et son introduction dans cinq autres populations de puffins des Anglais. Il s’agissait de la toute première tentative d’introduction d’un parasite en voie de disparition à des fins de conservation, démontrant l’engagement du groupe envers l’objectif du Congrès mondial de la nature de fournir un leadership audacieux et créatif en matière de conservation.
Développer la coopération

Une présentation sur la conservation des parasites lors de la réunion conjointe de printemps sur la parasitologie à Würzburg, en Allemagne
Historiquement, les parasites ont été considérés simplement comme un obstacle et une menace pour la protection de leurs hôtes. Le Groupe de spécialistes des parasites vise à changer cette perception en promouvant la conservation parmi les parasitologues et en sensibilisant les biologistes de la conservation à leur importance écologique. Ce changement dans la façon dont nous concevons la conservation, en jetant des ponts entre les disciplines pour préserver toute la complexité du vivant, est un excellent exemple du changement transformateur que le Congrès de l’UICN cherche à inspirer.
En reconnaissant que les parasites font partie intégrante de la biodiversité et de la santé des écosystèmes, nous nous inscrivons dans les efforts mondiaux visant à enrayer la perte de biodiversité grâce à une approche plus inclusive de la conservation. Lors du Congrès de l’UICN, des discussions sur la transformation de la relation de l’humanité avec la nature mettront en évidence la nécessité de stratégies de conservation innovantes qui englobent toutes les formes de vie, y compris celles souvent négligées et décriées. Alors que nous oeuvrons pour un avenir où les personnes et la faune sauvage prospèrent conjointement, réimaginer notre approche des parasites est une étape supplémentaire vers la protection de toutes les espèces, grandes, petites ou microscopiques.
Le Groupe de spécialistes a déjà réalisé des percées auprès des parasitologues, comme en témoigne le succès de la réunion conjointe de printemps sur la parasitologie en Allemagne. La présentation de Chelsea Wood et Tiziana Gobbins sur la conservation de parasites branchiaux potentiellement en voie de disparition a suscité un vif intérêt chez les participants, ce qui constitue un signe très encourageant. Avec des actions de sensibilisationdéjà prévues auprès des principaux groupes de conservation de la faune sauvage, l’avenir s’annonce prometteur pour le Groupe de spécialistes des parasites et pour la conservation des parasites en général.

Biographie de l’auteur
Olga St-Onge (elle) est passionnée de parasitologie et bénévole au sein du Groupe de spécialistes des parasites de la CSE-UICN. Elle est diplômée de la Florida Atlantic Universtiy où elle a obtenu en 2023 une licence en physique et une spécialisation en mathématiques, avant de rejoindre le Groupe de spécialistes des parasites en février 2025. Son travail actuel consiste à rédiger les premières évaluations du Groupe de spécialistes pour la Liste rouge de l’UICN et à développer les communications internes du groupe ainsi qu’à la sa sensibilisation du public. Elle est basée au Pérou, où elle vit avec son partenaire.
Pour en savoir plus et participer :
Site officiel : https://www.iucnparasites.com/
Instagram : @iucn_parasites
Et encore plus, très prochainement !
Remerciements
Photo de la tique du lapin des Ryukyu : Takamasa Nemoto
Photo du lapin d’Amami : Wich’yanan (Jay) Limparungpatthanaki sous licence Creative Commons
Photo du terrier de lapin : Mackenzie Kwak
Photo de la puce du puffin des Anglais : Olha Schedrina / Musée d’histoire naturelle
Photo du puffin des Anglais : Martin Reith
Photo de la Réunion conjointe de printemps sur la parasitologie : Tiziana Gobbins et Chelsea Wood
Bibliographie
Kwak, M. L. (2025) Saving the Ryukyu Rabbit Tick: The Posterchild of Parasite Conservation. The Revelator. https://therevelator.org/ryukyu-rabbit-tick/
Kwak, M. L., Heath, A. C., & Palma, R. L. (2019). Saving the Manx shearwater flea Ceratophyllus (Emmareus) fionnus (Insecta: Siphonaptera): The road to developing a recovery plan for a threatened ectoparasite. Acta Parasitologica, 64, 1–8. https://doi.org/10.2478/s11686-019-00119-8
Macadam, C. 2022. Ceratophyllus fionnus. The IUCN Red List of Threatened Species 2022: e.T123672975A123674364. https://dx.doi.org/10.2305/IUCN.UK.2022-2.RLTS.T123672975A123674364.en
Windsor, D.A. (1995), Equal Rights for Parasites. Conservation Biology, 9: 1-2. https://doi.org/10.1046/j.1523-1739.1995.09010001.x