Les requins et les raies sont des créatures emblématiques, mais de nombreuses espèces restent menacées en raison de pratiques de pêche non durables. La Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction (CITES) a introduit des protections clés, par exemple pour les requins-marteaux en 2013 et les requins soyeux en 2017 (Figure 1), mais les progrès sont restés lents.
Des experts dans le domaine de l’écologie des requins et le secteur de la pêche ont identifié que la principale cause limitant la conservation est un manque de coordination entre les secteurs de l’environnement et de la pêche, qu’il s’agisse d’une simple inadéquation dans le langage technique utilisé dans les rapports ou de l’exigence plus complexe d’une communication formelle et suivie.
En réponse à cela, le gouvernement allemand a lancé un projet dirigé par NatureBureau pour améliorer la coopération entre la CITES et les organisations régionales de gestion des pêches (ORGP) et les organismes régionaux des pêches (ORP), grâce à des enquêtes d’experts et à l’élaboration de stratégies.
Les travaux menés dans le cadre de ce projet s’inscrivent directement dans le Congrès mondial de la nature de l’UICN 2025 à Abu Dhabi. Notre série d’ateliers et d’enquêtes d’experts ne sont pas seulement une étude isolée. Ils constituent un tremplin vers des innovations politiques susceptibles de faire la différence, de manière mesurable et réelle, pour l’avenir des requins et des raies, et de leurs habitats.
Figure 1 : Requin-marteau (à gauche) et requin soyeux (à droite). Les deux espèces sont inscrites à l’Annexe II de la CITES.
Le projet a produit trois résultats principaux : un rapport de situation sur les requins inscrits à la CITES (avant la COP-19 de 2023) couvrant la conservation, la pêche, le commerce et la gestion ; une enquête internationale d’experts s’enquérant des lacunes conduisant à des déficits dans la conservation des requins ; et une série d’ateliers en ligne en trois parties, réunissant les parties prenantes concernées dans le domaine. Tous les rapports et documents du projet sont disponibles sur le site web de BMUKN.
Après l’achèvement du rapport de situation initial sur les espèces de requins inscrites à la CITES, et pour identifier les lacunes dans leur protection, nous nous sommes tournés vers l’expertise des parties prenantes directement impliquées dans la mise en œuvre des politiques.
Recueillir des informations auprès d’experts mondiaux
L’enquête était exceptionnelle par sa portée, impliquant des experts de premier plan en écologie des requins, en pêche et en gouvernance internationale.

Figure 2 : Nombre d’entretiens par secteur : agences gouvernementales de Parties contractantes à la CITES et aux ORGP, secrétariats des pêches multilatérales (ORP et FAO) et des accords environnementaux (AME), et experts indépendants.
Les entretiens ont révélé un fort consensus sur la nécessité d’une collaboration plus étroite entre la CITES et les ORGP. Bien que les participants reconnaissent la complémentarité des mandats respectifs, ils ont noté une compréhension mutuelle limitée, en particulier de la part du secteur de la pêche, en ce qui concerne les processus CITES tels que les Avis d’acquisition légale et l’Introduction en provenance de la mer.
Les obstacles identifiés comprenaient : le manque de structures formelles, une volonté politique limitée, une faible capacité de mise en œuvre et une communication inadéquate des données. Pour y remédier, les personnes interrogées ont proposé plusieurs solutions. La désignation de points focaux a été considérée comme essentielle pour améliorer la communication et le travail conjoint. D’autres mesures largement soutenues comprenaient une collaboration régionale concernant les Avis de commerce non préjudiciables (ACNP, ou NDF en anglais), le renforcement des capacités pour les mandats partagés et la formalisation de la coordination interinstitutionnelle.
Transformer les solutions en actions : les points forts de la série d’ateliers
Une série d’ateliers a été conçue pour combler les lacunes identifiées par les enquêtes d’experts, en favorisant le dialogue, en développant une compréhension commune et en transformant les idées en actions.
La série d’ateliers a impliqué des parties prenantes issues de divers secteurs, reflétant l’esprit de collaboration qui caractérise le Congrès mondial de la nature de l’UICN. Le Congrès offre une plateforme unique aux décideurs politiques, aux professionnels, aux groupes communautaires et aux parties prenantes pour se réunir, harmoniser leurs stratégies et accélérer collectivement l’action en faveur de la conservation de ces espèces vulnérables.
Les ateliers ont permis de présenter les parties prenantes, d’élaborer une compréhension commune et de produire des mesures clés pour renforcer la collaboration.
La transition vers des sociétés et des économies respectueuses de la nature est l’un des défis les plus urgents auxquels l’humanité est confrontée. Alors que la biodiversité décline, il est essentiel de trouver un équilibre entre le maintien des populations humaines et la préservation des ressources naturelles, en particulier au sommet de la chaîne alimentaire où des espèces à longue durée de vie et à reproduction lente, comme les requins, sont particulièrement vulnérables. Ce projet soutient cette transition grâce à une gestion coordonnée des requins et des raies.
Tirer parti du pouvoir du Congrès de l’UICN pour mener des actions collaboratives
Des projets comme celui-ci aident à harmoniser la gouvernance du commerce et des pêches pour soutenir le rétablissement des requins et la santé marine. Des entretiens avec des experts ont permis de recueillir des avis intersectoriels francs, soulignant la valeur de l’initiative. Le Congrès mondial de la nature de l’UICN 2025 offre une occasion cruciale de faire avancer ces innovations politiques et d’accélérer collectivement les progrès vers la conservation des requins, des raies et de leurs habitats.
Ce projet contribue directement à la réalisation des priorités politiques définies par les Membres de l’UICN dans plusieurs motions clés du Congrès de l’UICN 2025 à Abu Dhabi, en particulier les motions 033 et 118. Celles-ci appellent à l’adoption de mesures par les États des ports concernant la pêche illégale, non déclarée et non réglementée et la conservation du requin-marteau halicorne (En danger critique) et de ses semblables, couvrant les domaines communs entre pêcheries et aspects environnementaux de la conservation des requins mis en évidence par ce travail. Il illustre le type d’action multilatérale axée sur les politiques que l’UICN promeut pour la conservation de la nature et la durabilité.
Auteurs:
Athena Allen(1), Timm Reinhardt(2), Babak Miller(3), Astrid Wiik(4), Sarah Fowler(5)
- 1 Écologiste marine, NatureBureau Ltd. – Membre de la Commission de l’UICN de gestion des écosystèmes
- 2 Département de la conservation de la faune, Bundesamt für Naturschutz, Allemagne
- 3 Conseiller politique, ministère fédéral de l’Environnement, de la Conservation de la nature et de la Sûreté nucléaire, Allemagne
- 4 Conseillère politique, ministère fédéral de l’Environnement, de la Conservation de la nature et de la Sûreté nucléaire, Allemagne
- 5 Consultante indépendante – Groupe de spécialistes des requins de la CSE-UICN (membre fondatrice)