Unir nature et culture dans les collines de Kaimur

Unir nature et culture dans les collines de Kaimur

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Par Aditya Akash, Associé de projet à l’Institut national des études avancées (NIAS) et membre de la Commission de l’éducation et de la communication (CEC) de l’UICN 

Dans les collines de Kaimur, la conservation est enracinée dans la mémoire, pas seulement dans les politiques. Aditya Akash, associé de projet au NIAS et membre de la Commission de l’éducation et de la communication (CEC) de l’UICN, explore comment les traditions sacrées de la tribu Oraon et le fort de Rohtasgarh révèlent un modèle de conservation fondé sur les communautés, la culture l’intendance émotionnelle, offrant des enseignements pour un avenir plus équitable et plus positif pour la nature. 

Rajbali Singh

Les collines de Kaimur, situées à l’extrémité orientale de la chaîne de montagnes des Vindhya et s’étendant sur une partie du Bihar et de l’Uttar Pradesh oriental, forment un corridor écologique et culturel riche en biodiversité et en sites patrimoniaux anciens, dont l’emblématique fort de Rohtasgarh. La région est réputée pour son art rupestre ancien et ses lieux sacrés préservant des traditions millénaires. L’histoire de Kaimur ne peut pas s’expliquer uniquement par les données sur la biodiversité.  

Pendant des générations, la tribu Oraon a protégé ce territoire. Selon les traditions orales locales et les documents historiques, la communauté a été déplacée au XVIe siècle lorsque Sher Shah Suri s’est emparé du fort de Rohtasgarh par la ruse. Contraints d’abandonner leur patrie, de nombreux Oraons ont été déplacés vers l’est et le centre de l’Inde, mais leur lien spirituel avec le Rohtasgarh ne s’est jamais estompé.

Depuis 2006, le Rohtasgarh Mahotsav, également connu sous le nom de Vanvasi Kalyan Mahotsav, accueille des milliers d’Oraons, de Kharwar et d’autres membres de la communauté Vanvasi revenant sur leurs terres ancestrales pendant le Magha Purnima. Les membres de cette communauté effectuent des rituels autour de l’arbre Karam avant de prélever de la terre sacrée à sa base pour l’utiliser dans leurs autels domestiques. 

Kaimur and Rohtas

 

Cet acte revêt une signification spirituelle profonde car il représente leur devoir de protéger la terre. Entre leurs mains, la terre se transforme en mémoire, tandis que le culte devient un système de redevabilité. Leur système de protection traditionnel est enraciné dans une responsabilité héritée plutôt que dans des mécanismes fondés sur des politiques.

Ces rituels, documentés à travers des récits oraux et une cartographie spatiale, révèlent une forme de conservation émotionnelle : un sens de l’intendance profondément enraciné, lié non pas à une réglementation, mais à la mémoire, au respect et à un devoir ancestral. Bien que je n’appartienne pas à la communauté Oraon, je suis né et j’ai grandi dans le district de Kaimur, au Bihar, qui avec le district de Rohtas fait partie de la région où s’étendent les collines de Kaimur et où se trouve le fort historique de Rohtasgarh.

Au fil des ans, j’ai remarqué que malgré l’immense valeur historique, culturelle et écologique de la région, elle n’a reçu que peu d’attention par rapport à d’autres sites du patrimoine culturel de l’Inde, ce qui m’a incité à concentrer mon travail sur la documentation du patrimoine de mon État. Mes recherches ont commencé avec le fort de Rohtasgarh, ce qui m’a conduit à approfondir l’histoire de la région et ses liens étroits avec la communauté Oraon.

Fort d’une formation en archéologie et en gestion du patrimoine, et d’une expérience professionnelle auprès de l’ASI, de l’IGNCA et du NIAS, et en tant que membre de la Commission de l’éducation et de la communication (CEC) de l’UICN, je m’attache à transmettre des récits sur la conservation en lien avec les communautés. Cette approche fait écho au thème du Congrès mondial de la nature de l’UICN intitulé « Atteindre l’équité ». Les paysages de Kaimur se prêtent également au développement durable de l’écotourisme.

La nature sacrée de Tutla Bhavani, de Telhar Kund et du plateau de Rohtas offre aux visiteurs des expériences immersives profondes. Une économie respectueuse de la nature et fondée sur la continuité culturelle pourrait prospérer ici, ceci grâce à des promenades culturelles organisées par les communautés, des séjours chez l’habitant en lien avec la forêt, et des initiatives d’artisanat tribal (PNUE 2021) qui soutiennent les moyens d’existence durables.

En fin de compte, le retour du peuple Oraon n’est pas seulement un festival culturel, c’est un modèle. Il démontre que lorsque nous relions le patrimoine naturel à la mémoire culturelle, un nouveau type de conservation émerge : une conservation soutenue non seulement par la loi mais également par l’amour. Aujourd’hui, nous sommes appelés à marcher aux côtés des gardiens originels de cette terre pour protéger ce qu’ils n’ont jamais oublié.

Alors que je me prépare à partager l’histoire de Kaimur lors du Congrès mondial de la nature de l’UICN 2025, je porte avec moi cette conviction : la mémoire culturelle et la responsabilité émotionnelle doivent aller de pair avec la science et les politiques. À distance, je participerai à des sessions virtuelles et à des discussions thématiques, et je transmettrai cette histoire dans les espaces de partage des connaissances pertinents et par le biais des plateformes et groupes de l’UICN. Je souhaite également apprendre auprès des experts mondiaux, poser des questions liées à mon travail et nouer des liens avec les délégués, les dirigeants autochtones et les spécialistes susceptibles de soutenir les futurs travaux de documentation et de conservation à Kaimur et Rohtas.

Finalement, mon objectif plus large est de présenter les collines de Kaimur comme un site interconnecté du patrimoine naturel et culturel susceptible d’être reconnu par l’UNESCO. Ceci représente l’avenir d’une conservation transformatrice : une conservation qui respecte l’équité, reconnaît le leadership autochtone et nourrit des économies enracinées dans la révérence et la résilience.